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L'aménagement de l'espace ksourien et la gestion du patrimoine : cas du Ksar Aït Ben Haddou à Ouarzazate

  Le palais des congrès de Ouarzazate a abrité récemment des ateliers de consultation locale sous le thème "La gestion du patrimoine et développement durable" en présence du ministre des Affaires culturelles, du gouverneur de la province, du représentant résident du PNUD Mr Emmanuel Dierckx De Casterle, du représentant de l'UNESCO, du représentant de la coopération maroco-belge dans la région Wallonne Mr Philippe Mignot, du représentant du programme d'inventaire du patrimoine culturel du bassin du Draâ dans le cadre de la coopération maroco-suisse Mr Otto Kolbel

  Il s'agit du Ksar Aït Ben Haddou, patrimoine universel, situé à 30 km de Ouarzazate surplombant la vallée d'Ounila, parcourue par l'oued el Maleh. Le site date du 18ème siècle et certains vestiges le feraient remonter aux Almoravides au 11ème siècle. Selon la tradition orale, le site servait de point de transit des caravanes de négoce qui sillonnaient la route commerciale reliant le Soudan à Marrakech via Oued Draâ

  Le sultan Hassan I est d'ailleurs descendu dans le ksar durant sa dernière visite entre 1893 et 1894, alors qu'il était en route vers Telouet et Marrakech en provenance de Tafilalet.

  Le site classé patrimoine humain mondial le 7 décembre 1987, se distingue, en effet, des autres ksours du monde par son style architectural, ses matériaux de construction, son esthétique et ses éléments artistiques, ce qui l'a promu à occuper une place mondiale de choix et incité les organisations internationales, à leur tête l'UNESCO, à intervenir pour le classer patrimoine humain mondial dans le but de le sauvegarder, conformément aux dispositions de la Charte internationale de sauvegarde du patrimoine mondial adoptée par la conférence générale de l'UNESCO en 1972 et à laquelle adhérera le Maroc en 1975. Depuis 1987, date à laquelle le ksar Ait ben Haddou a été classé patrimoine mondial par l'UNESCO, acquiert davantage d'importance et est devenu l'incarnation des spécificités architecturales et sociales de tout le sud marocain. L'importance du classement est un témoignage de l'intérêt manifesté par la communauté internationale pour ce site dans la perspective d'en élaborer un plan de sauvegarde et de réhabilitation. Il est la preuve de la renommée mondiale dont jouit le ksar et la région, ce qui en a fait une destination prisée du tourisme international.

ait benhaddou   Ce ksar se distingue par :
 
  • Sa préservation du style architectural employant la terre compactée comme matériaux.
  • Son adaptation avec les conditions climatiques et environnementales.
  • Son harmonie avec le milieu environnemental.
  • La cohérence de ses parties et ses dimensions architecturales.
  • L'authenticité des méthodes architecturales utilisées, témoignant des modes de vie en vigueur dans la région semi-désertique.

  Eu égard au caractère mondial du site, des organisations mondiales ont apporté leur aide au gouvernement marocain, pour la préparation des études scientifiques et techniques nécessaires à l'exécution des projets de restauration. Dans ce cadre, et en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), un centre d'étude, de restauration et de réhabilitation des kasabahs du sud atlasique et subatlassique CERKAS a été créé à Ouarzazate en 1987 et ce dans le but d'organiser et de coordonner les travaux de restauration du ksar

 

  
  C'est ainsi que le ksar Ait ben Haddou a bénéficié durant la période de 1989 à 1994 des interventions du ministère des Affaires culturelles et du PNUD, Ces interventions s'articulaient autour de :

  • La restauration de la mosquée et de l'école coranique
  • Le pavage des rues
  • La restauration des sculptures et ornements dans les tours deskasabahs.
  • La protection des champs des glissements de terrain
Casbah

  

  Toutefois, ces interventions ont été marquées par leur caractère intermittent, dû à l'absence de la visibilité et à l'intervention sectorielle parfois timide pénalisant les efforts déployés dans ce sens. C'est pourquoi, il est indispensable d'élaborer un plan directeur et en définir les mécanismes d'aménagement et d'exécution pour la concrétisation d'un projet intégré visant la structure toute entière pour la gestion du patrimoine en vue d'un développement durable.

  Rendre l'âme à ce patrimoine universel ne veut pas dire le transformer en musée historique ou conserver la mémoire et momifier le passé, il faut certes, une vision et de l'imagination pour faire de ce site le socle de notre civilisation ancestrale afin de vivre notre présent et préparer notre avenir. Et cela ne pourrait se faire sans :

  • le retour des habitants dans le ksar et la réhabilitation de ce dernier pour l'employer en tant que patrimoine architectural vivant.
  • la réalisation d'un inventaire de la situation foncière des kasbahs présentes à l'intérieur du ksar.
  • la satisfaction des besoins des habitants en infrastructure de base : eau potable, électricité et passerelle ou pont liant les deux rives de l'oued et donnant accès au ksar.
  • le réemploi des bâtiments en ruine dans le ksar par leurs propriétaires, dans uns cadre légal respectant les normes spécifiques aux sites classés.
  • la mise à niveau du milieu en vue de l'intégrer dans l'économie locale qui gravite autour de l'activité touristique.

  Cependant, toutes ces interventions ne peuvent être accomplies que dans le cadre d'un plan directeur de restauration du K.A.B.H, ayant pour fondements :
- Les normes internationales en vigueur en matière de sauvegarde des sites classés.
- La mobilisation des fonds nécessaires à l'équipement du site en infrastructures de base : eau, électricité et pont, dans le cadre d'un partenariat avec les ministères concernés, les conseils élus et la société civile.
- L'élaboration d'un programme pratique pour l'exécution des opérations de restauration des bâtiments en ruine, en collaboration avec leurs propriétaires.
- La mise en place d'une commission de gestion du site, qui sera chargée de :

 - Elaborer un programme des interventions des autorités publiques, des conseils élus, des acteurs économiques, des composantes de la société civile et  des associations qui s'intéressent au patrimoine architectural ;
 - Définir une vision architecturale et urbanistique pour le réemploi du ksar Ait Ben Haddou, qui servira de base pour l'élaboration du plan directeur d'aménagement et de restauration du Ksar;

  • Assister les propriétaires des kasbahs dans les travaux de restauration et d'entretien des bâtiments du ksar, dans le cadre d'une vision architecturale et urbanistique respectant les normes internationales relatives aux monuments classés ;
  • Elaborer les lois sanctionnant les contraventions en matière de construction et de restauration, sur la base de la décision de classement du K.A.B.H en tant que patrimoine historique et national ;
  • Fixer les mécanismes juridiques à même de garantir le financement indépendant des travaux d'entretien et de restauration du site ;
  • Traduire sur le terrain la décision de classement du site en tant que patrimoine historique et national. En effet, c'est une mesure nécessaire qui est de nature à contribuer sérieusement au traitement de toutes les données relatives au projet, notamment les constructions qui se trouvent dans son voisinage et qui abritent les habitants originaux du ksar qui avaient migré vers la rive droite de l'oued Ounila depuis les années cinquante.

  Le débat s'est axé autour de deux thèmes fondamentaux à savoir : La promotion du tourisme au service de la sauvegarde du patrimoine. L'accès aux services de base et intégration sociale. Le K.A.B.H est l'un des sites les plus visités de la province de Ouarzazate. Son architecture et son organisation communautaire en font un pôle touristique de premier plan et un cadre privilégié pour la production cinématographique. Ces deux activités se trouvent liées à la problématique de la sauvegarde du site, dont la préservation offre un fort potentiel de développement économique. L'insuffisante organisation de ces deux activités contribue cependant à la dégradation du ksar, et pose avec acuité une nécessaire mise à niveau en termes de réglementation, d'encadrement et d'accompagnement, en vue de favoriser une synergie entre sauvegarde du patrimoine et promotion des activités du tourisme et du cinéma. Le ksar révèle donc un fort décalage entre son statut de site classé sur la liste du patrimoine mondial, et l'absence patente des infrastructures de base, ce qui aggrave son processus de dégradation et accélère son dépeuplement.

  L'accès aux infrastructures et aux services de base constitue un minimum requis pour l'intégration sociale de la population, et un préalable pour engager le processus de sauvegarde dans une perspective durable. Si des efforts ont été enregistrés dans ce domaine, ils en sont encore au stade des études, non finalisées, dont la mise en oeuvre se heurte essentiellement à l'absence d'un cadre de mise en cohérence entre les différents intervenants.

 
Mustapha Faouzi
 
Libération 23 Décembre 2003