Le
tourisme sauvera-t-il les qsar et les qasba des vallées et des oasis du Grand
Sud marocain? Ces maisons fortifiées construites en pisé, parfois
perchées en haut de pitons rocheux, constituent l’une des principales
attractions recherchées par les visiteurs étrangers en quête d’insolite.
Ils les découvrent en général en partant de la petite ville de Ouarzazate,
située aux confins de l’Atlas, à environ 200 kilomètres au sud de
Marrakech. Cette ancienne bourgade du bout du monde est aujourd’hui
devenue une véritable station touristique. Ses hôtels homologués
totalisent 5 502 lits et vendent plus de 450 000 nuitées par an.
La région de Ouarzazate compte 300 des quelque 1 000 qasba inventoriées
au Maroc. Ces demeures de taille très variable impressionnent par
leur beauté architecturale et par l’originalité de leur organisation
socio-spatiale. Mais elles attirent surtout le regard à cause de
leur fragilité et de leur dégradation, souvent très avancée.
Ces
maisons mono-familiales se caractérisent par leur
architecture défensive et comportent en général quatre tours d’angle.
Exclusivement construites en terre sur deux ou trois étages et agrémentées
de toits-terrasses reposant sur des poutres de palmiers, elles arborent
parfois de riches décorations dans leurs parties hautes. Elles constituent
les pièces maîtresses de villages entourés d’une enceinte fortifiée,
où l’on pénètre par une porte unique: les qsar
Deux
siècles pour mourir Le pisé de ces fragiles ensembles
résiste mal aux intempéries et aux outrages du temps: l’espérance
de vie d’un qsar ne dépasse guère deux siècles. Autrefois, au bout
de cette période, ses habitants l’abandonnaient pour en construire
un nouveau à proximité. Mais l’évolution socio-économique du Maroc
et de la région au cours des dernières décennies a gravement compromis
cette perpétuelle renaissance des qsar. L’arrêt du commerce caravanier
transsaharien, la disparition de l’insécurité, la construction d’un
Etat national centralisé, la télévision (omniprésente comme le signale
les nombreuses antennes paraboliques) ont, entre autres, bouleversé
l’ordre traditionnel qui prévalait dans les sociétés oasiennes.
Aujourd’hui, les communautés qui n’ont pas émigré vers des contrées
plus prospères préfèrent bâtir extra muros de petites habitations
en parpaings de ciment et des mosquées en dur. Ces édifices sont
certes trop chauds l’été et trop froids l’hiver, mais ils disposent
parfois d’un confort minimum: eau, électricité, etc.
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Pourtant,
les récents événements qui ont marqué la vie du village d’Aït Ben Haddou
montrent que la cause des qsar n’est pas totalement perdue.
Cette cité située à quelque 35 kilomètres de Ouarzazate aurait
été fondée au XIe siècle. Elle comprend aujourd’hui six qasba
et une cinquantaine de maisons, toutes en ruines. Les habitants
les ont abandonnées pour s’installer sur l’autre rive de l’oued,
plus proche de la route. Quatre-vingt quatre familles vivent
aujourd’hui dans ce nouveau village. Véritable chef-d’œuvre
architectural et paysager, inscrit sur la Liste du patrimoine
mondial de l’UNESCO en 1987, le vieil Aït Ben Haddou a été le
premier qsar à bénéficier du programme national pour la préservation
des qasba du Sud. Lancé il y a une dizaine d’années par le ministère
de la Culture, avec l’appui du Programme des Nations unies pour
le développement (PNUD), de l’UNESCO et de l’Organisation mondiale
du tourisme (OMT), ce programme visait à la fois à sauver un
patrimoine culturel en péril et à stimuler le tourisme dans
la région. |
Efforts
concertés :La tâche s’est avérée des plus ardues. Confrontée
à une architecture de l’éphémère, les techniques de restauration
classiques apparaissent d’une efficacité limitée. Elles permettent
de prolonger la durée de vie des édifices en terre de quelques
années au maximum. La seule manière de vraiment sauver un qsar
comme Aït Ben Haddou est de convaincre ses habitants de s’y
réinstaller et de l’entretenir au jour le jour. Pour créer des
conditions de vie satisfaisantes dans le village, le ministère
de la Culture a demandé l’aide d’autres administrations. Il
a, entre autres, sollicité le ministère de l’Equipement, qui
s’est penché sur le problème de l’accès au village, impossible
en période de crue. Le ministère de l’Education nationale a,
de son côté, approuvé la construction d’une école coranique
au sein du qsar, en attendant que des effectifs suffisants permettent
l’ouverture d’une école primaire. Et l’Office national de l’électricité
a proposé d’équiper le village en énergie solaire. |
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